Au-delà de ses racines vigneronnes, Savigny-lès-Beaune est un village actif. C’est le fruit du pari économique pris par Sylvain Jacob, le maire de 46 ans, qui célèbre son troisième mandat.
Longtemps, Savigny a vécu à l’ombre de la puissante cité beaunoise, mais le petit vigneron est indépendant par essence. Autrefois dénommée Savigny-sous-Beaune, un toponyme jugé rabaissant par les locaux, la commune devient Savigny-lès-Beaune (lez signifie « près de » en vieux français), le 11 avril 1863 par décret municipal. Elle fait tout depuis pour s’affranchir de sa grande sœur et subvenir à ses propres besoins, un souci toujours d’actualité : « Compte tenu de sa population relativement réduite (ndlr, environ 1 300 habitants) et de sa proximité avec Beaune, notre commune a réussi le tour de force de préserver son statut de pôle intermédiaire, avec tous les commerces et les services nécessaires, une vingtaine d’associations, ainsi qu’un pôle scolaire qui attire les enfants de plusieurs communes à la ronde. Pour ne pas devenir une cité-dortoir, il nous a fallu conserver de l’emploi sur place, notamment grâce à la quarantaine d’entreprises et à la vingtaine de domaines viticoles présents sur la commune », analyse le maire Sylvain Jacob, déjà à son 3e mandat à 46 ans.
Le pari économique semble aujourd’hui plutôt réussi, entrainant avec de nouveaux arrivants une mixité sociale et un dynamisme associatif qui apportent du liant à la collectivité. Les gros projets de la municipalité s’inscrivent dans la même dynamique : création d’une maison médicale regroupant 20 professionnels, réhabilitation du complexe sportif, réalisation de pistes cyclables entre Beaune et Savigny (au lieu d’une simple véloroute) ou encore d’un centre périscolaire financé par la Communauté d’agglomération Beaune Côte et Sud, dont le maire de Savigny est également vice-président.
Chez Fred Bernard
Nuiton d’origine, Sylvain Jacob est tombé amoureux d’une Savignienne avant de s’installer ici en 2004 et de succomber ensuite aux charmes du village. Son beau-frère n’est autre que Fred Bernard, un auteur de BD renommé qui n’en pouvait plus de Paris et est revenu vivre à plein temps sur les terres de son enfance depuis une dizaine d’années. Cachée derrière un haut mur et enfouie sous l’exubérant jardin qui tient la vedette de son dernier ouvrage à succès (jusqu’au Japon), Carnet d’un jardinier amoureux du vivant (Albin Michel, 2023), sa maison raconte une partie de son histoire familiale : « Ma mère était une fille Richard de la maison de crémants Parigot-Richard*, et mon père un maçon de la famille Bernard, qui perpétue encore ce métier aujourd’hui. La maison que j’habite aujourd’hui était une dépendance sur le terrain de mon grand-père qui avait une entreprise de transports. Il voulait en faire des boxes de parking, j’ai changé ses plans… Après de gros travaux, c’est devenu ma résidence secondaire en 1999, puis mon domicile permanent. Ici, c’était les écuries… », explique l’illustrateur devant sa table de cuisine jonchée de planches en cours de colorisation pour son prochain album. Et de se remettre en mémoire les madeleines de son
heureuse enfance savinienne : « Les vignes, la forêt étaient un fabuleux terrain de découverte pour tous les gamins du village. Les cabanes, les sentiers, les cueillettes… on en a profité à fond ! Mon père était très branché nature et m’a très tôt sensibilisé à la fragilité de la biodiversité, ça m’a beaucoup marqué par la suite. »
Quand on lui demande ce qui a changé dans le village depuis ses tendres années, Fred est heureux de répondre « pas grand-chose finalement, la présence des vignes tout autour l’a certainement préservé des zones pavillonnaires et de l’urbanisation galopante. Par contre, il y a beaucoup plus de bagnoles… et bien mois d’eau dans le Rhoin. Autrefois, fin août, on trouvait encore des trous avec des têtards et des truites. Aujourd’hui, fin mai, c’est déjà à sec ». Exit les rainettes et autres écrevisses à pattes blanches qui peuplaient ses balades de minot le long de la rivière, entre vestiges de jardins et ruines de moulins.
Sous le signe de la chauve-souris
Pour autant, la commune a encore de beaux restes en matière de patrimoine naturel. Elle compte encore plus de 2 000 ha de forêts (contre « seulement » 350 ha de vignes) et capitalise sur le classement de la vallée du Rhoin en zone spéciale de conservation (ZSC) pour le maintenir en état. Cet environnement préservé est favorable aux chauve-souris entre autres, dont quelque 300 individus nichent dans le clocher de l’église. La colonie est étudiée de près par la Société d’histoire naturelle d’Autun afin de suivre son évolution et la déranger le moins possible. Avec le verger conservatoire et le jardin pédagogique, ces petites bestioles montrent que la biodiversité a toute sa place dans le village.
Entre vignes, vieilles pierre et nature, il fait décidemment bon vivre à Savigny. À deux pas de la capitale des vins de Bourgogne, les (cyclo)touristes, de plus en plus nombreux à mettre le cap sur la commune, semble l’avoir compris.
* Lire Chroniques de la vigne (Glénat, 2013), un album illustré à l’aquarelle où Fred Bernard raconte ses conversations avec son grand père vigneron.
📚 Retrouvez le dossier complet sur Savigny-lès-Beaune dans Bourgogne Magazine n° 77, en vente en kiosque, par abonnement ou sur bourgognemagazine.com