EMA Events et Sylvain Camos sont dans l’impasse. Après avoir organisé plus de 5000 événements et surmonté une première déroute consécutive aux attentats du 11-Septembre, l’entreprise dijonnaise est au point mort, sans perspective avant octobre. Le ciel est noir, la feuille de la reconstruction est blanche.
Par Dominique Bruillot
Avant février, qui aurait imaginé le scénario catastrophe d’une pandémie ? Pas même le meilleur scénariste de l’événementiel. EMA avait donc toutes les raisons de bien vivre son époque. Un chiffre d’affaires qui passe de 2,6 à 3,8 millions d’euros en un an, un carnet de commandes plein à craquer, des appels d’offres à la pelle, etc.
Sylvain Camos pouvait enfin respirer. Victime collatérale du 11 septembre 2001, son entreprise a remonté la pente et rangé au rayon des souvenirs son redressement judiciaire. Un fait si rare qu’il mérite des applaudissements. Un fait qui rend qu’autant plus violente la tempête Covid-19 qui vient de mettre à mort tout son secteur.
17 collaborateurs d’EMA Events au chômage partiel
Aujourd’hui, l’activité est à terre et les perspectives de business de plus en plus proches de zéro. La dernière intervention d’Edouard Philippe a donné le coup de grâce au moindre mariage. Ciel noir à l’horizon. « Il n’y a pas de visibilité pour nos clients, c’est au moins une année blanche. » Dix-sept collaborateurs sont au chômage partiel, seul véritable point d’allègement de l’exploitation. Une mesure que Sylvain Camos a réussi à prolonger jusqu’à la mi-septembre.
« Je me demande parfois si j’ai encore l’énergie qu’il faut pour tout réinventer. Tu te retrouves dans un désert total, mais tu dois avancer. »
Pendant ce temps, les charges courantes… courent. Peu ou prou, 110 000 euros par mois. Le trésor de guerre reconstitué par le Prêt Garanti par l’Etat fond à la même vitesse. La filière dans son ensemble est à la dérive. Elle a fait une proposition à Bruno Le Maire en huit points, dont une exonération totale des charges jusqu’à fin 2021.
Il faut repenser complètement le modèle économique, aller vers d’autres métiers, profiter de l’argent frais du PGE qui est là pour se construire un autre avenir. « Je suis dans toutes les alternatives, je regarde à 360 degrés, je me demande parfois si j’ai encore l’énergie qu’il faut pour tout réinventer. Tu te retrouves dans un désert total, mais tu dois avancer. » Il se souvient de cette citation qui n’a jamais été aussi pleine de sens : les entrepreneurs sont les derniers gladiateurs de l’époque moderne. Tout le monde n’est pas Spartacus non plus.
« Sans nous, c’est le quart monde »
Seul dans son bel atelier de 2000 m2, rue Edmond Voisenet à Dijon, Sylvain a toute la latitude pour dialoguer avec les espaces vides et les machines silencieuses. Il n’y a pas si longtemps, il assurait pourtant l’inauguration de la statue René-Goscinny à Paris. Parmi les cartes postales heureuses d’un passé récent, il y a aussi cette décoration du Grand Hôtel La Cloche, lui-même sous cloche en ce moment. L’été dernier, EMA orchestrait le ballet terrestre du meeting aérien de Dijon. C’était aussi l’année de l’inauguration du magnifique Musée des Beaux-Arts et du festival de la Folie Douce à Courchevel.
En 2020, plus rien. Ni à Cannes, ni à Marrakech. Chefs de projets, graphistes et designers sont au repos forcé. Après plus de 5 000 événements au compteur, le petit monde d’EMA est confiné à 100%. Le moteur de Sylvain Camos n’a cependant pas fini de tourner. Il observe déjà les mutations liées à cette drôle de guerre. « En ce moment, il y a même des mecs d’extrême gauche qui commencent à comprendre que les PME et les TPE sont le cœur du réacteur de notre société, que sans nous, on va vite virer au quart-monde », ne peut s’empêcher de penser celui qui, depuis qu’il entreprend, est un animateur actif de la CPME Côte-d’Or.
« Peut-être allons-nous enfin comprendre dans ce pays que réussir doit inspirer la fierté et l’exemplarité, ne pas être montré du doigt. »
Le magicien des soirées heureuses et des congrès qui font mouche finira bien par sortir un lapin de son chapeau. Voire une panthère ailée, en hommage à son célèbre logo, pour remettre son entreprise sur un nouveau chemin. « Je considère l’échec comme une expérience. Peut-être allons-nous enfin comprendre dans ce pays que réussir doit inspirer la fierté et l’exemplarité, ne pas être montré du doigt », espère-t-il au final. On ne va pas lui donner tort sur ce point : une telle évolution, pour ne pas dire révolution, des mentalités serait déjà en soi… un événement.