200 à 300 amateurs de tête de veau se retrouveront à Theizé ce vendredi, au bistrot-restaurant de terroir La Feuillée, de midi à minuit. Un événement anecdotique en apparence, qui symbolise le renouveau du Beaujolais, sur fond de Dénomination Géographique Complémentaire des Pierres dorées. Explications plein pot (de Beaujolais s’entend).
Polette ne fera pas tache dans le décor. Vache brune dans les champs le restant de l’année, elle sera une deuxième fois ce vendredi 15 décembre, la mascotte de l’événement canaille de La Feuillée, le restaurant-terroir de Theizé-en-Beaujolais. De midi à minuit – c’est symbolique diront certains ! -, 200 à 300 convives ripailleurs, bons vivants et amateurs de belles têtes de veau seront attendus de pied ferme. Jean-Marc Nabet et son associé le chef Mathieu Mouchet, célèbrent ainsi le partage autour des abats.
La Feuillée en fête
Une célébration festive, placée sous le signe de l’amitié entre Beaujolais et Bourgogne. Quelques bardes venus d’en haut, plus habitués à fréquenter la scène du château du Clos de Vougeot, sont en effet invités à dérouler le répertoire des chansons à boire… et plus si affinité. Le Gus, sa barbe, sa guitare et sa bande de joyeux lurons accompagnent d’autres côte-d’oriens dont le militantisme pour la cause gourmande ne fait aucun doute. Parmi eux, le cofondateur beaunois du Comité de Soutien et de Sélection de la Meilleure Tête de Veau (CSSMTV) Jean-Pierre Nié, et son acolyte originaire de Chenôve Dominique Esmonin. Le plat qui a salué la décapitation de Louis XVI attire donc quelques têtes d’affiches.
Ce rassemblement peut paraître anecdotique. Pourtant, il révèle quelque part en lui le retour d’un grand vignoble à ses traditions, à ses valeurs originelles de convivialité. Le Beaujolais nouveau fut un amant terrible. Son sauveur tout d’abord, qui fit rentrer de l’argent dans les caisses des domaines quelques semaines seulement après la récolte. Puis son démon débaucheur, qui exporta le vin local dans toute la planète, avec un succès incroyable, au goût de banane et d’insouciance. Mais un succès qui éloigna le vigneron de la vérité de son terroir, du culte des crus nobles et de l’attention que mérite le gamay.
Magiques Pierres dorées
Bien des souffrances et bien des remises en question ont ensuite débouché sur de spectaculaires mutations foncières, faisant même couler le cépage roi du Beaujolais dans les veines des coteaux bourguignons. Mais aujourd’hui, Theizé en témoigne, le vent de la réappropriation semble se lever. Ce bourg de 1 400 âmes est déjà l’un des plus beaux villages de France. Depuis 2018, la section locale du syndicat des Beaujolais et Beaujolais villages travaille de cep ferme à l’obtention d’une Dénomination Géographique Complémentaire « Pierres dorées », qui sera un signe fort de la montée en gamme des vins de toute la région. La DGC, en la circonstance, valorise l’origine d’une appellation régionale, à l’image de ce que fait le bourgogne identifié plus au nord. Ce qui laisse de belles perspectives d’évolution sur le marché.
Le renouveau du Beaujolais enchante Christian Vivier-Merle. Lui-même ancien viticulteur, le maire et conseiller départemental du Rhône rappelle que sa commune « couvre 1200 hectares, et (que), sur les 480 hectares de vignes comptabilisés dans les années 2000, il en reste encore 250 en exploitation ». L’élu vante les sols argilo-calcaires qui sont la promesse d’un beau terroir pour le chardonnay et « donnent des blancs extraordinaires ». La présence ici de l’imposante coopérative Oedoria (300 coopérateurs !) et d’une dizaine de producteurs indépendants souligne ainsi la grande vitalité viticole de Theizé. « Le Beaujolais a souffert, on a connu le Beaujolais bashing, la tendance s’inverse » se réjouit Christian Vivier-Merle.
La jolie musique de Rochebonne
Le joli village du pays des Pierres dorées rebondit sur cette résilience vineuse et mise sur le tourisme. Il a bien raison. Le Beaujolais a une image sympathique, ronde et joyeuse à vivre, à revitaliser. À travers l’événement porté par la Feuillette, il exprime ce désir profond de remettre à l’ordre du jour la bonne humeur populaire et gaillarde sur les terres de Clochemerle. Ce vignoble, bien plus accessible que d’autres trop tournés vers l’export, a les bonnes cartes dans son jeu.
De plus, Theizé soigne son patrimoine. En son château de Rochebonne (XVIIe siècle), chaque dernier week-end de septembre, un prestigieux festival de musique enchante les oreilles sous la direction du pianiste Hervé Billaut. Un programme de restauration est engagé à hauteur de 2,5 millions d’euros dans ce fleuron communal. L’indispensable mission patrimoine de Stéphane Bern est entrée dans le concert des soutiens. Theizé ne laisse donc personne indifférent. Parce que le Beaujolais, ainsi vécu, le « veau » bien.