Le budget 2025 de l’État a été définitivement adopté ce jeudi par le Sénat. Un amendement propulse le plafond d’exonération fiscale sur la transmission du foncier viticole de 500 000 euros à 20 millions d’euros. La Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB) et son président Thiébault Huber se félicitent d’une « victoire syndicale historique ». Récit d’un long combat.

Les collectivités et de nombreux acteurs économiques soufflent un peu, le budget 2025 de l’État a été adopté par le Sénat ce jeudi 6 février. Au cœur du projet de loi de finances, une grande nouvelle pour le modèle viticole familial : le plafond d’exonération fiscale de 75% sur la transmission du foncier viticole voit son plafond passer de 500 000 euros à 20 millions d’euros.
Une délivrance pour Thiébault Huber, bien conscient d’obtenir là « une victoire syndicale historique » : « C’est énorme, je n’y croyais pas. Nous travaillons sur ce sujet avec la CNAOC* de longue date, suite à l’explosion du prix du foncier viticole due à la spéculation. Nous avons vu des familles se déchirer à cause de ces problèmes de transmission. »
Le président de la CAVB était tout sourire ce jeudi matin, lors du lancement du forum des métiers de la vigne et du vin à la Cité des Climats de Beaune. « Cela fait des années que les vignerons ne peuvent plus transmettre à leurs enfants. Seuls les grands groupes et les ultra-riches peuvent acheter des vignes en Bourgogne », ajoute le vigneron de Meursault.
Le déclic LVMH
Ce combat mené depuis une dizaine d’années a pris un tournant décisif en fin d’année dernière. Le 16 septembre 2024, nos confrères du Bien public révélaient l’achat d’1,3 hectare de vignes du domaine Poisot père & fils par LVMH. En cause, des droits de succession astronomiques à la suite d’un décès. Les parcelles de Pernand-Vergelesses, de Corton et de Romanée-Saint-Vivant s’étaient vendues pour 15,5 millions d’euros.
L’affaire de trop pour Thiébault Huber. Soutenu par François Patriat, sénateur de Côte-d’Or, et Benjamin Dirx, député de Saône-et-Loire, le président de la CAVB monte au créneau et est reçu à Matignon. À l’issue de cet entretien, Michel Barnier donne son feu vert pour le dépôt d’un amendement.
« Nous n’imaginions pas que le budget serait censuré à l’époque. Nous avons crié victoire un peu trop vite, se souvient François Patriat. Lorsque le gouvernement est tombé, j’étais très inquiet. J’y croyais beaucoup moins. » Le 13 décembre, François Bayrou est nommé premier ministre. Les cartes sont rebattues mais l’élu côte-d’orien continue d’avancer masqué sur le sujet : « Je n’en ai parlé qu’aux ministres, pour ne pas réveiller des oppositions inutiles. »
Les soutiens de Barnier puis Bayrou
François Patriat cherche alors l’appui d’Éric Lombard. « Pas hostile » à ce projet, le nouveau ministre de l’Économie et des Finances renvoie le sénateur côte-d’orien vers le nouveau Premier ministre, qui lui donne son accord.
La bataille n’est pas terminée, la proposition d’amendement est ensuite débattue au Sénat. Ce que craignait François Patriat arrive. « Le rapporteur du budget me dit : « Qu’est-ce que c’est que cet amendement pour les riches ? » Je lui réponds : « Ce n’est pas pour les riches, c’est pour sauver la viticulture bourguignonne ». »
Alors que le plafond aurait pu être ramené à « seulement » 5 millions d’euros, l’ancien président du Conseil régional de la Bourgogne s’y oppose fermement mais fait une concession : le bien doit rester la propriété du donataire, héritier et légataire pendant au moins 18 ans.
Résultat : le Sénat donne son feu vert et le budget de l’État est finalement approuvé, malgré deux tentatives de motions de censure et trois utilisations de l’article 49.3. Soulagé, Thiébault Huber prévient avec une pointe d’humour : « Les notaires seront contents. Il y aura pas mal de transmissions en Bourgogne cette année. »
*CNAOC : Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlées