2016 sera une fois encore une année de faible récolte. On a donc tout lieu de penser que les réserves s’épuiseront dans les caves et sur les comptes bancaires. Bien placés pour en juger, les spécialistes de l’espace viticulture de la Banque populaire à Beaune constatent que la situation n’est pas très fun, certes, mais pas désespérante non plus. Petit relevé de comptes.
Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag
Photos: Christophe Remondière
Nul ne peut ignorer, en Bourgogne, les conséquences de plusieurs années de petite récolte. 2016, entre gel et grêle, n’échappe pas à cette règle maudite qui marque les années 2010 et pose bien des questions sur la fragilité des vignes bourguignonnes. Pour autant, la terre continue de tourner et le terroir a encore quelques fruits à donner. Mais il faut tenir…
C’est là qu’intervient le banquier. À Beaune, la « banque pop » a un espace viticulture très présent dans le secteur des domaines indépendants. Son directeur Régis Caillot le rappelle en une phrase riche de sens : « Nous travaillons ici avec environ 200 clients qui ont des chiffres d’affaires allant de 100 000 à 2,5 millions d’euros, soit 12 à 13 % des parts de marché hors négoce ». Autrement dit un bon spot pour avoir une petite idée des conséquences réelles de la situation météorologique actuelle.
En réalité, l’heure n’est ni à la fête (ça, on le savait), ni à la panique. Jean-Louis Bonnard et Gérald Perrier, qui passent plus de temps dans les caves que dans leur bureau, ont une certaine vision de l’état des lieux. Selon les deux experts viticulture de l’agence bancaire, si la Côte de Nuits semble moins touchée que sa cousine beaunoise, on peut estimer qu’une exploitation sur trois est fragilisée, une petite proportion d’entre elles étant en grosse difficulté. « Une année encore et certains jolis domaines, comme j’en ai vu un à Pommard, la semaine dernière, devront penser à céder quelques parcelles », témoigne Jean-Louis Bonnard.
À ce niveau de l’analyse, il faut déjà distinguer ceux qui vendent du mout au négoce de ceux qui ne font que de la mise en bouteille, même si certains sont entre les deux. Les premiers rencontreront des difficultés de trésorerie dès la fin de l’année, les autres dans un an ou deux, à la fin de l’élevage.
Relations durables
Jean-Louis Bonnard et Gérald Perrier connaissent bien le monde du vin et la spécificité de chacun. « Il faut leur laisser le temps de se refaire la cerise » argumente avec humour l’un des deux, avant de mettre en avant quelques mesures conçues pour traverser la tempête. « Il n’y a pas de solutions toutes faites », précise Régis Caillot, « mais nous avons par exemple la possibilité de mettre en place un prêt spécial gel, à hauteur de 5 000 euros par hectare et dans un volume maximal de 100 000 euros, amortissable sur 5 ans et en différé ».
Du concret il y en a donc toujours un peu dans les coffres de la banque pour faire face à certaines situations exceptionnelles, même si cela ne doit pas occulter les difficultés de fond, plus malignes, comme la dérive du fermage qui frappe les plus jeunes.
Globalement, la Banque populaire prétend défendre la Bourgogne viticole dans sa dimension parcellaire, celle, il est vrai, qui fait sa valeur ajoutée. « Bruno Duchesne, notre directeur général, veut aller dans le sens de la protection des petites structures » avance-t-on du côté des experts, « d’autant que nous sommes capables, sur le terrain, de discuter avec un jeune qui s’installe et de dépasser les clichés du banquier de base… »
Surtout, cette relation forte avec le terroir est un gage de bonne entente et de visibilité sur le long terme. Celui qui doit financer et garantir le financement n’a pas souvent lieu d’être inquiet « parce que nous sommes avec des paysans, des gens de la terre, qui s’inscrivent dans la durée et ne risquent pas de partir en courant du jour au lendemain. » Une bien bonne nouvelle dans un monde où tout semble glisser entre nos mains. Le terroir inspire encore la sérénité, y compris quand les temps sont durs. Tout le monde ne peut pas en dire autant.