Les 3 et 4 février, Arbois accueille la Percée du vin jaune. Mais que savons-nous de son appellation mère ? Avec plus de 800 hectares et une présence affirmée en rouge, elle est l’une des locomotives des vins du Jura. Petit passage en revue géologique.
Par Jacky Rigaux
Adossée au premier plateau des monts du Jura, la côte du Jura, que l’on nomme Revermont, se dresse fièrement et toise la Côte bourguignonne que l’on aperçoit distinctement par beau temps. L’altitude de ces magnifiques coteaux, qui s’égrènent de Saint-Amour au sud à Salins-les-Bains au nord, est sensiblement plus haute, oscillant entre 200 et 400 mètres. Ce vignoble ne se déroule pas sans discontinuité, et laisse beaucoup de place aux prés verdoyants où paissent les vaches dont le lait nous régale d’un des meilleurs fromages français, le comté. Le même nom est d’ailleurs donné aux caves coopératives locales, les « fruitières » : fruitières à comté de Lavigny ou d’Arbois, fruitières à vin de Château-Chalon ou de Pupillin.
Arbois, terre fertile
Arbois, elle, tient son nom de deux mots celtiques : ar (terre) et bos (fertile). La contrée était peuplée depuis la Préhistoire, ce qu’attestent des vestiges retrouvés sur les hauteurs dominant la ville. La vigne y est présente depuis l’époque gallo-romaine. Par la suite, des franchises furent octroyées pour les vins par Philippe le Bon, l’empereur Maximilien d’Autriche ou Charles Quint. Les grands ducs de Bourgogne y eurent un domaine, François 1er en buvait et l’on raconte que le vin d’Arbois réconcilia le roi Henri IV avec le duc de Mayenne.
Boileau et Racine s’en régalaient au cabaret du Mouton blanc, à Paris, qui ne s’approvisionnait qu’en vin d’Arbois ! Jusqu’à la destruction du vignoble par le phylloxéra, Arbois s’imposait donc comme un des fleurons de la viticulture française.
Pays de rouge, mais pas que
Ce vignoble d’environ 800 hectares est protégé par une corniche calcaire. Certaines parcelles entourées de forêts et d’alpages culminent à 400 mètres, la limite extrême de l’appellation. Les marnes irisées du Trias et les marnes grises du Lias constituent la matrice du terroir d’Arbois. Les sols sont riches en contenu minéralogique et possèdent de bonnes réserves hydriques. Sous la corniche se développent d’excellents éboulis calcaires qui plaisent au chardonnay et au pinot noir. À la base des versants, on trouve une abondante couverture d’argiles à chailles, ce qui convient parfaitement au trousseau qui en a fait son terroir de prédilection.
Partout où les marnes du Lias et du Trias s’imposent, le savagnin est roi, accompagné du poulsard (ou ploussard dans le Jura). L’AOP Arbois peut se décliner avec tous les cépages autorisés ici. Avec 70 % de la production, les vins rouges dominent en appellation Arbois.
En jouant sur les caractéristiques des différents lieux-dits, en privilégiant un seul cépage ou en jouant de l’assemblage, la diversité d’expression des vins, en rouge comme en blanc, est exceptionnelle en appellation Arbois. On y produit aussi du vin jaune, du vin de paille et du crémant du Jura.
Arbois-Pupillin, ce grand petit cousin
Vignoble d’environ 30 hectares répartis sur une douzaine de communes, Pupillin a voulu conserver son identité et a obtenu de l’Inao l’appellation Arbois-Pupillin en 1971. La tradition viticole y est fort ancienne et demeure aujourd’hui florissante, avec une trentaine de familles viticultrices dont une partie fait le bonheur d’une fruitière très réputée. C’est à Pupillin qu’est installé le vigneron emblématique, figure internationale des vins du Jura, chantre du vin naturel, Pierre Overnoy.
Côté géologie, les fortes pentes du vignoble de Pupillin ont favorisé l’érosion et mis en évidence les marnes du Trias, ce qui convient parfaitement au cépage roi du Jura, le savagnin, et au cépage autochtone noir, le poulsard, dont la Côte de Feule est le terroir d’élection. D’autres secteurs plus calcaires qui recouvrent les marnes comme dans la Côte de Caillots conviennent parfaitement au chardonnay. Petit vignoble en superficie, mais d’une diversité exceptionnelle, Pupillin mérite le dicton : « Arbois le nom, Pupillin le bon ».