61 ans et (presque) toutes ses dents, le chanteur dijonnais approche la cime de son art avec l’album L’autre. Sa tournée passera notamment par le Zénith de Dijon, le 30 septembre prochain, apothéose intime d’un Jamait qui dévoile ici des aspects touchants de sa palette d’homme et d’artiste… même s’il dit avoir « beaucoup de mal » avec ce dernier qualificatif. Et pourtant !
Vous serez bientôt de retour en concert à Dijon, au Zénith. Ça vous fait quoi de jouer à domicile ?
C’est forcément un moment spécial. Dijon, je suis chez moi, j’y ai ma famille, mes amis, des gens qui me connaissent depuis 40 ans. Comme ils me connaissent, ils savent que je ne suis pas James Bond. Je fais quand même le maximum pour qu’ils me voient autrement que la manière dont ils me connaissent. Mais globalement, je n’ai pas trop le trac. Je ne suis pas comme Hubert-Félix Thiéfaine, qui avec tout son métier, continue à avoir le trac dès qu’il monte sur scène. Moi, dès que j’y mets un pied, j’oublie tout, je m’oublie moi, c’est même le seul moment où je m’oublie. Je m’éclate, je ne suis plus Yves Jamait, je suis quelqu’un d’autre.
L’autre, justement, c’est cet album que vous jouez en tournée. Que pouvez-vous dire du spectacle ?
Nous jouons un spectacle conséquent, avec un énorme soin apporté au décor et aux lumières. Mon compère Didier Grebot a eu une idée de décor assez géniale, qui permet de composer un tableau visuel à chaque chanson, sans pour autant « stabiloter » le sujet de la chanson. Parfois, on est dans la végétation, parfois on a des impressions de grotte, même s’il n’y a pas Platon dans le coin (ndlr, référence au mythe de la caverne, un des grands thèmes platoniciens). Je suis aussi très heureux du travail sur la lumière effectué par Dimitri Vassiliu, qui n’est autre que le fils du regretté Pierre Vassiliu. Je mesure la chance que j’ai de travailler avec l’un des meilleurs metteurs en lumière de France, qui s’occupe des tournées de Mylène Farmer. Il a vu mon côté Mylène, mon côté rousse flamboyante (il se marre).
Comment vit-il, cet album ?
Nous le jouons depuis presque un an en tournée. Les retours sont très bons. On me dit souvent que c’est sans doute mon meilleur disque. Tous mes albums ont plutôt bien marché, mais celui-ci est à part. C’est la première fois qu’on ne le compare pas à De verres en vers, qui a quand même bientôt vingt-deux ans mais qui a marqué mon public. Ça fait vraiment plaisir. À 62 balais, tu te demandes si tu as encore des choses à raconter, alors c’est plutôt très agréable quand la reconnaissance arrive…
Depuis quelque temps, votre chant se fait plus nuancé. Est-ce une chose que vous avez travaillée ?
Au début de ma carrière, j’y allais comme un bœuf. Je fumais, je buvais, je braillais, j’y allais à fond. Aujourd’hui, j’ai évolué, avec l’âge. Mon envie de chanter est plus forte… J’aime la voix super juste de Maxime Leforestier, la douceur et la chaleur qui s’en dégagent. Des gens comme Souchon ont bouleversé la chanson, ont apporté une autre façon de la faire. Avant Souchon, l’homme un peu sensible n’existe pas, alors qu’avec lui, on n’est pas dans l’affirmation du mâle. Gainsbourg, aussi, bien sûr. Le Gainsbourg de la première époque, avant son tournant marketing et la communication. Je n’ai pas la prétention, pour ma part, de bouleverser quoi que ce soit.
Vous ne vous considérez pas comme un artiste ?
Non, j’ai beaucoup de mal avec ce mot. L’artiste invente, change la donne. Il y a un avant et un après Marcel Duchamp, il n’y a pas d’avant et d’après Jamait. Je me considère plus comme un artisan. Moi, je crée à partir de quelque chose de déjà connu, de déjà fait. Ce que j’apporte, éventuellement, c’est de l’émotion. Nous sommes des gens du spectacle, des saltimbanques. Je n’ai jamais eu d’autre prétention que faire un divertissement – que j’espère bon – en ce sens qu’il suscite l’émotion, l’interrogation. En tant qu’artisan, je me dois de proposer un spectacle de qualité, un disque abouti. Je dois ça au public, je dois ça aussi à toute l’équipe qui m’entoure, du technicien au metteur en scène. Il ne faut jamais oublier que les gens qui viennent te voir en spectacle ont bossé toute la semaine, font un effort financier pour venir, tu dois leur donner le meilleur du possible.
Vos textes sont toujours très travaillés, très directs, aussi. Chaque chanson raconte sa propre histoire. Qu’est-ce qui relie toutes ces histoires ?
L’une de mes thématiques de toujours, c’est quand même le temps qui passe. Même si, aujourd’hui, je me sens de plus en plus concerné par le temps qui reste. L’amour aussi. Ce que je recherche, je l’ai déjà dit, c’est l’émotion. La chanson, c’est un art mineur, mais les émotions qu’elle suscite sont majeures. Je fais de la chanson populaire, j’aime l’idée que ma chanson atteigne tout le monde. Renaud, Brassens, c’est de la chanson populaire. Je ne fais pas de la chanson pour les professionnels, comme un charcutier ne fait pas du pâté croûte pour les autres charcutiers.
Yves Jamait a-t-il des envies d’écriture ?
Je m’amuse à écrire pour écrire, pour faire autre chose que des chansons. J’écris des petites nouvelles, des textes un peu libres, des mini-essais, sans prétention. La poésie, je n’y touche pas, dès que j’ai une inspiration poétique, je la transforme en chanson. J’ai écrit des trucs pendant le confinement, à la demande de mon webmaster.
Sur l’actu ?
Je me suis interdit d’écrire sur l’actualité. J’ai écrit sur une chaise, une pomme, ce que je voyais de mon jardin, deux pigeons qui roucoulaient. Ça m’a amusé. En essayant de trouver un angle plus ou moins poétique, la forme m’intéressait. J’essaye de continuer à faire des choses comme ça. Je ne sais pas si j’en ferai quelque chose. J’ai aussi un désir de roman, pour le moment tout à fait avorté. Je ne m’interdis rien. Je peux consacrer du temps à l’écriture : j’en ai.
À suivre, le Plancha tour !
À côté de l’ambitieux spectacle « Le tour de l’Autre », Yves Jamait développe un autre concept de tournée, en format plus léger. « Dans “Le tour de l’Autre”, il y a un moment où nous nous rassemblons, tous les musiciens et moi, autour d’un banc et nous nous remettons en acoustique. On se lance des défis, pour reprendre d’anciennes chansons de mon répertoire. On délire autour d’une plancha, qui n’existe pas. Et c’est génial, le public adore. J’ai donc eu envie de développer ça, et de créer le “Plancha tour”. Une forme plus légère, très festive, qui peut tourner plus facilement, dans des salles de taille plus modeste », raconte Yves Jamait.
→ Le spectacle part en tournée, surveillez le site jamait.fr pour connaître les dates près de chez vous.