Une journée, 140 km d’autonomie et un itinéraire diversifié: tels étaient les préalables à un essai de Zoé, la voiture électrique de Renault. Bilan: sur les chemins de traverse, la citadine se comporte aussi bien que ses cousines à hydrocarbures, le bruit et la pollution en moins. Et vivre avec l’impératif de recharge ajoute un peu de piment à l’escapade… Une histoire racontée avec énergie et truculence par notre conductrice d’un jour, Emmanuelle de Jesus, en amont du premier Tour de la Bourgogne en voiture électrique*1).
Par Emmanuel de Jesus et Antoine Gavory / Agence Proscriptum
Photos : Clément Bonvalot
J’ai la chance de jouir d’un caractère aussi équilibré qu’un repas de restauration collective, ainsi qu’un sens social confinant au génie: ces deux qualités (jointes à d’autres qu’il serait hors de propos d’énumérer ici) me permettent de compter un nombre appréciable de relations, copains et autres amis aux profils éclectiques, bien utiles lorsque votre métier vous amène fréquemment à consulter, comme dirait un éditorialiste adepte du cliché, « le pouls de l’opinion ». C’est donc vers ce combo digne d’un panel d’institut de sondage que je me suis tournée pour recueillir quelques avis sur ce qui ambitionne de devenir le véhicule du futur, j’ai nommé la voiture électrique.
– C’est cool, pour le boulot je vais essayer une Zoé, tu sais, la voiture électrique de chez Renault… ai-je commencé.
– Ah, je t’en prie, me parle pas de ça!, m’a coupée d’un ton sec ma copine Anita.
Une telle agressivité pourrait surprendre. Mais s’explique néanmoins: depuis qu’elle a été plaquée par un militant d’EELV, Anita professe une sainte horreur de l’écologie sous toutes ses formes. C’est bien simple: si le tee-shirt « Fuck la planète » existait, elle achèterait l’usine qui le fabrique pour être sûre qu’il n’y ait jamais de rupture de stock. J’ai vite compris que je faisais fausse route et effectué un virage serré vers des thèmes moins glissants, tout en cherchant mentalement dans ma liste qui de mes copains pourrait avoir un jugement sensé sur le véhicule en question. Puis j’ai souri (toujours mentalement) car, bon sang mais c’est bien sûr, j’avais déniché dans mes tréfonds cérébraux la perle rare.
Eric aime les voitures. Non: Eric adore les voitures dans une dévotion muette proche de l’extase à l’évocation de certaines marques mythiques, avec une préférence pour les productions anglaises des années yéyé. Pour vous donner une idée, lorsqu’à l’année nouvelle débarque le calendrier Pirelli, Eric jette un œil distrait aux magnifiques créatures qui font la réputation de cet objet collector tout en demandant: « Ils sont à quel mois, les pneus? « Je soupçonne mon ami d’être un peu fétichiste. Mais passons. C’est aussi un taiseux, dont la parole rare possède ce je-ne-sais-quoi d’énigmatique qui peut faire croire à une grande sagesse. Or donc, pendant que je discourais sur les qualités de la ZOE, forte d’un savoir récent dû à la lecture d’un dépliant commercial très bien fait, il m’a laissé dire avant de laisser planer un long silence. Puis, tel un Maître Yoda shooté à l’huile de vidange, a simplement laissé tomber d’un air navré :
– Une voiture électrique, c’est une pile avec des roues.
Il y a des fois où les amis c’est très bien, mais un peu limitant.
Le lendemain, c’est donc l’esprit débarrassé de leurs funestes paroles que je prends possession de Zoé.
– Il n’y a qu’un risque avec le véhicule électrique, me glisse Marc Laurette, délégué régional EDF en Bourgogne, c’est de ne plus pouvoir s’en passer. L’essayer, c’est l’adopter !
N’empêche que nous signons une convention de mise à disposition: la voiture est à moi, certes, mais jusqu’à l’heure du thé chez les British, soit 17 heures seulement. Pour l’adoption, on verra plus tard…
L’itinéraire choisi est une entorse à l’utilisation classique chez les possesseurs de voitures électriques qui privilégient les mouvements pendulaires (domicile-travail) avec ces véhicules, leur autonomie – environ 140 km sans recharge – s’y prêtant idéalement. Cette fois-ci, de Dijon à Beaune par la route des Grands Crus, passage à Blaisy-Bas puis retour par l’autoroute, Zoé va non seulement voir du pays, mais aussi subir des conduites très différentes et me forcer à un arrêt minimum pour la recharge.
De l’art de gérer son autonomie
Première surprise: le bruit. Ou plutôt, l’absence de bruit. Une simple pression sur un bouton et la voiture a démarré sans le bon vieux tintamarre auquel m’a habituée ma guimbarde qui affiche ses presque 300 000 km diesel au compteur. Pour le reste – GPS, géolocalisation des bornes de recharge, fréquence radio –, tout possesseur de smartphone apprivoise l’ordinateur intégré en quelques minutes.
Une question néanmoins: pourquoi donc un clavier alphabétique au lieu d’un bon vieil azerty? Sur cette question entêtante et Stormy weather s’échappant en volutes de Jazz FM, nous voilà donc partis, Clément (Bonvalot, le photographe), Ella (Fitzgerald, au chant), Zoé et moi à l’assaut des vignobles de la Côte, direction Beaune par la route des touristes et des œnologues.
Autant le dir : la première prise en mains d’un véhicule électrique s’accompagne d’un réflexe involontaire et parfaitement incontrôlable qui pourrait porter le nom de « syndrome du stress de charge ». Comprendre que, les yeux fixés sur l’indicateur d’autonomie, on se surprend à imaginer la panne au milieu de nulle part et essayant d’expliquer au brave type qui s’offre à vous conduire à la station la plus proche que ce qu’il vous faut ce n’est pas 10 litres de gasoil, mais une rallonge électrique de 20 km et une prise. J’ai eu une pensée pour mon copain Eric et son histoire de pile à roulettes. Pourtant si vous avez l’esprit joueur (j’ai), ce qui apparaît de prime abord comme un inconvénient majeur se transforme très vite en motif ludique: car dès lors que l’on fiche la paix à l’accélérateur, non seulement Zoé ne consomme pas ses réserves électriques mais elle se recharge! On appelle cela l’éco-conduite (désolée, Anita) et quand votre voisin, à l’affût d’un décor sympa pour ses photos ne pipe pas un mot, ça distrait.
Deuxième surprise en forme de devinette: qu’est-ce qui, du point de vue du conducteur, différencie une voiture électrique de son ancêtre à carburant ? A vrai dire… rien. Les performances de la Zoé sont parfaitement comparables à celles d’une citadine classique et on ne lui a rien épargné: ni les chemins de terre, ni les petites routes à lacets, ni les dépassements sur autoroute. Histoire de tester l’adhérence et les freins, on a même choisi un jour de météo bien pourrie, avec petite pluie traîtresse et soleil rare. Résultat: RAS.
Bien sûr qui dit véhicule électrique, dit recharge. Pour varier les plaisirs, et même si ce n’était pas spécialement nécessaire, nous avons testé deux bornes: l’une sur le parking d’un supermarché à Beaune, l’autre à Blaisy-Bas. La première fonctionne avec un code (le conducteur est en autonomie), la seconde est un service offert aux clients de L’Orée des Charmes, bar-hôtel-restaurant de la commune. Autant l’avouer: nous nous sommes plantés avec la borne n° 1, puisque le temps du déjeuner, nous en étions au même point côté autonomie, soit 80 km environ. En revanche, un seul café (servi avec une gentillesse exquise dans l’établissement) et la borne n° 2 a fait faire un bond spectaculaire côté charge. Lorsque j’ai rendu les clefs de Zoé à ses légitimes propriétaires, et malgré de jolies pointes de vitesse sur l’autoroute du retour, l’indicateur d’autonomie promettait encore 50 km de rab.
Bilan de la journée: certes, la Zoé ne vous fera pas traverser la France à vitesse grand V mais elle s’inscrit parfaitement dans deux scénarios. Celui, classique, de l’utilisation domicile-travail, avec recharge sur une simple prise à la maison et les petits déplacements en ville. Et celui que je vous suggère: un week-end sur le rythme années soixante et chemins de traverse. Prévoir la veille une petite heure de repérage des points de charge sur le site participatif http://fr.chargemap.com, une bonne play-list, des copains non hostiles à la mobilité électrique et un hôtel doté d’une borne pour recharger les accus pendant la nuit. Normalement, ça devrait rouler. Il n’y a qu’un risque avec ce genre d’escapade: l’essayer, c’est l’adopter…
(*1)Un Tour de Bourgogne, le doigt dans la prise!
Certains font le tour de France à vélo, d’autres le Tour de Bourgogne en voiture électrique. Les premiers se dopent aux anabolisants, les seconds se contentent de rester branchés. Du 17 au 20 septembre, dix véhicules prêtés par plusieurs partenaires (Renault, Toyota, La Poste, EDF) sillonneront les routes de Chalon-sur-Saône, au départ, jusqu’à Dijon, en passant par Nevers et Auxerre. A l’initiative de Bourgogne Mobilité Electrique, chaque ville accueillera pour l’occasion un village à thème: « l’électricité, nouveau carburant » à Chalon, « une filière d’excellence » à Nevers, « le tourisme vert » à Auxerre et « la mobilité électrique en zones urbaines » à Dijon. Derrière ce projet, l’ambition de démontrer que les véhicules électriques sont avant tout des véhicules pratiques, fiables, économiques et d’imposer la Bourgogne comme une région résolument tournée vers une nouvelle industrie. Explications, rencontres avec les professionnels, essais de véhicules électriques, les « villages » seront avant tout des lieux de rendez-vous et d’échanges sur une énergie présentée comme la plus fiable des énergies alternatives.
* www.bourgogne.developpement-durable.gouv.fr/les-vehicules-electriques-font-a1521.html